USAGE DE LA FORCE, PLACEMENT EN GARDE À VUE,
FOUILLES, ET NOUVEAU DÉLIT LIÉ AU NON RESPECT
L’USAGE DE LA FORCE…
Il convient de rappeler que, même dans la situation actuelle, la police et la gendarmerie
ne peuvent recourir à la force qu’en cas de légitime défense (ART. 122-5 DU CODE PÉNAL),
lorsqu’un danger actuel ou imminent nécessite un acte (strictement proportionné) destiné à
protéger le bien ou la personne en danger (ART. 122-7 DU CODE PÉNAL), ou dans le but
de maîtriser une personne lors d’une interpellation (ART. 73 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE).
En outre, les forces de l’ordre ne peuvent faire usage de leurs armes
qu’« en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée »
(ART. L.435-1 DU CODE DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE).
Par ailleurs, en matière contraventionnelle, L’ARTICLE 73 DU CODE
DE PROCÉDURE PÉNALE ne permet pas de recourir à l’emploi de la force. De façon générale, les dispositions relatives
à la déontologie des forces de l’ordre, et notamment L’ARTICLE R. 434-18 DU CODE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE,
rappellent que « [l]e policier ou le gendarme emploie la force dans le cadre fixé par la loi, seulement lorsque c’est nécessaire,
et de façon proportionnée au but à atteindre ou à la gravité de la menace, selon le cas ». Seule la rébellion1 (faire de grands gestes,
se débattre), qui est un délit passible d’emprisonnement, peut conduire à placer la personne en garde à vue.
Dès lors, les comportements violents de certains agents, par agression physique sans nécessité apparente, parfois avec
usage de gaz lacrymogènes, peuvent s’avérer incompatibles avec le cadre légal et les règles de déontologie en vigueur.
LE PLACEMENT EN GARDE À VUE
De manière générale, pour connaître vos droits en garde à vue : consultez la fiche “NOS DROITS” dédiée. Attention, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, votre droit à un avocat peut se limiter à un échange par visioconférence ou téléphone, conditions dans lesquelles les garanties de confidentialité sont difficilement applicables. De plus, nombre de Barreaux ne désignent plus d’avocat de permanence : en conséquence, l’assistance d’un avocat n’est possible que si vous en choisissez un (à vos frais) et que ce dernier accepte les modalités de communication mises à disposition2. Par ailleurs, en cas de prolongation de garde à vue, vous ne serez pas présenté au procureur de la République3. A noter que si le droit à voir un médecin demeure inchangé, il semble que dans la pratique ce ne soit pas systématiquement le cas – peut-être parce qu’il y a un manque de médecins disponibles, mais il faudrait alors questionner le risque pour les personnes à être placées en garde à vue, dans des conditions particulièrement dangereuses aujourd’hui.
Dans le contexte actuel, une mise en garde à vue qui serait uniquement fondée sur une instrumentalisation du délit de mise en danger d’autrui (ART. 223-1 DU CODE PÉNAL), est irrégulière.
Cette infraction est caractérisée par « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement », aux seules fins de placer des personnes en garde à vue.
La Cour de cassation rappelle, par une jurisprudence constante, que le simple non-respect d’une interdiction contraventionnelle ne permet pas de retenir l’infraction de mise en danger d’autrui, s’il n’existe pas au surplus la démonstration d’un comportement particulier, exposant autrui à un risque concret et immédiat de mort4. Or, le fait de ne pas pouvoir présenter une « attestation de déplacement dérogatoire »5 (fait sanctionné par une contravention de la 4e classe6) ou de l’avoir mal rédigée7 ne saurait être considéré comme entraînant en soi un risque concret et immédiat de mort. Le défaut d’attestation ne crée en lui-même aucun risque. Et le non-respect de règles générales de prudence ne permet pas de sanctionner pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui8.
A supposer même que le non-confinement soit retenu comme violation de l’obligation particulière, cet acte n’expose pas directement autrui à un risque immédiat de mort. Enfin, dans le cadre de ce délit précis, il convient d’ajouter que la tentative n’est pas punissable.
Dans ces conditions, le recours à cette qualification délictuelle étant abusif, ses conséquences juridiques, et notamment le placement en garde à vue, s’avèrent tout autant illégales. Selon L’ARTICLE 62 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE, on ne peut placer en garde à vue qu’une personne contre laquelle il existe au moins une raison plausible « de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement » : tel n’est pas le cas d’une personne qui n’a commis qu’une contravention, celle-ci ne pouvant pas être le support du délit de mise en danger de la vie d’autrui.
Il convient par ailleurs de rappeler que les forces de l’ordre sont tenues de désobéir lorsqu’un ordre manifestement illégal leur est donné (ART. 122-4 DU CODE PÉNAL), sauf à commettre l’infraction de privation de liberté par personne dépositaire de l’autorité publique (ART. 432-4 DU CODE PÉNAL)9. Le supérieur hiérarchique qui validerait ce détournement de procédure se rendrait en outre complice de ce délit. La circulaire10 d’application des nouveaux textes a précisé que ce délit ne convenait pas à la situation.
Si les enjeux actuels sont graves, et peuvent nécessiter des interdictions de déplacement, les mesures et sanctions prises doivent demeurer légales, proportionnées et dictées par une « approche fondée sur les droits de l’Homme pour réguler cette pandémie »11 .
Actuellement, la loi du 23 mars 2020 a créé un nouveau délit de “violation réitérée du confinement” (art. L.3136-1 du code de la santé publique), passible d’emprisonnement, qui permet de placer une personne en garde à vue. Il n’est pas applicable tant que vous n’avez pas déjà fait l’objet de verbalisation pour contravention au moins trois fois en un mois. Attention, l’outrage ou la rébellion (faire de grands gestes, se débattre…) contre les forces de l’ordre suffisent pour placer quelqu’un en garde à vue.
UN NOUVEAU DÉLIT : LA VIOLATION RÉITÉRÉE DU CONFINEMENT
Le Parlement a voté une loi12 habilitant le gouvernement à agir par ordonnances et à prendre diverses restrictions dans le cadre d’un état d’urgence sanitaire. Il a également créé, dans la nuit du 22 au 23 mars 2020 un nouveau délit en cas de répétition de quatre contraventions dans le délai d’un mois. Il faut préciser que dès la 2e violation dans les 15 jours, des règles éditées par le gouvernement ou le préfet, l’amende passe à 1500€ (5e classe ou, si la procédure d’amende forfaitaire est choisie, à 200€). A partir de la 4e verbalisation dans un délai d’un mois, les faits sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3750€ d’amende, ainsi que (éventuellement) de la peine complémentaire de travail d’intérêt général et celle de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule13. Si l’imprécision des obligations actuelles donne déjà tout pouvoir à l’arbitraire policier14, celles-ci sont appelées à se multiplier du fait de l’état d’urgence sanitaire.
L’INSPECTION VISUELLE, LA FOUILLE DES BAGAGES, DE VOS SACS OU DE VOS POCHES
Dans le cadre du confinement, un déplacement pour faire ses achats de première nécessité est possible15. Dans ce contextes, les forces de l’ordre peuvent-elles inspecter vos sacs ou fouiller vos sacs pour le vérifier et décider ensuite de vous verbaliser en cas de non-respect des règles de confinement16 ?
Les règles de confinement pendant la pandémie du Covid-19 ne modifient pas les règles applicables de procédure pénale en matière d’inspection visuelle ou de fouille. Il doit être rappelé que ce que vous portez sur vous ou dans vos sacs relève de votre sphère intime : une inspection visuelle ou une fouille sont des atteintes à votre droit à la vie privée, et celle-ci est protégée par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales17. Bien entendu, les policiers peuvent avoir le droit de procéder à ces inspections visuelles ou à des fouilles, mais seulement en respectant les règles de procédure pénale, dans deux cas de figure.
Il n’est possible de pratiquer une inspection visuelle / fouille qu’en police judiciaire18 :